24.05.2022
N°1 2022

Les besoins de formation continue du point de vue des entreprises: approche pragmatique d’un thème complexe

L’importance stratégique – soulignée dans la littérature spécialisée – que revêt la définition des besoins de formation en vue d’établir une planification judicieuse de la formation continue se reflète très peu dans la pratique quotidienne des petites et très petites entreprises. Pourtant, ces entreprises peuvent s’appuyer sur différentes stratégies et méthodes (implicites) pour évaluer et identifier les besoins. Cet article vise à saisir de manière conceptuelle les besoins de formation et à les identifier pour l’environnement de l’entreprise. Les pratiques utilisées pour déterminer les besoins de formation continue chez les petites et très petites entreprises sont expliquées au moyen d’une analyse secondaire fondée sur des données qualitatives.

Les besoins de formation continue en entreprise et les difficultés liées au manque d’informations

Il ne s’agit pas d’une information nouvelle ni surprenante: l’efficacité et les effets de la formation continue en entreprise ne peuvent pas être déterminés de manière exacte. Des méthodes comme la gestion des formations et le contrôle de gestion des formations se concentrent souvent sur des variables plus faciles à mesurer, par exemple les coûts de formation continue directs ou indirects (Käpplinger 2010, p. 10), au lieu de mesurer les besoins, les effets, l’utilité, le résultat, etc. Pourtant, de nombreuses fonctions peuvent être attribuées à la formation continue en entreprise. Selon les acteurs·trices (von Hippel et Röbel 2016), celles-ci, en plus de la fonction primaire qui est l’investissement, englobent de nombreuses autres fonctions annexes (motivation, adaptation, flexibilisation, acquisition et image ou développement, etc.) (Pawlowsky et Bäumer 1996, p. 31). 

Différentes stratégies s’offrent aux entreprises pour faire face à ce manque d’informations. Prenons par exemple la logique d’une entreprise qui fait preuve d’indifférence par rapport à la formation continue en entreprise, c’est-à-dire que la formation continue peut – mais ne doit pas nécessairement – servir à résoudre des problèmes ou à relever des défis. En conséquence, la formation continue – comme toutes les autres caractéristiques (fonctionnelles) de l’entreprise (collaborateurs·trices en tant que membres, comme les activités, les objectifs, les hiérarchies, etc.) – doit être régulièrement repensée et réévaluée (Harney 1998, p. 128 f.; Luhmann 2011). À première vue, trois attitudes existent face au manque d’informations concernant la formation continue en entreprise: premièrement, la négliger; deuxièmement, entreprendre des efforts et des investissements pour en mesurer les effets et l’efficacité; ou, troisièmement, déterminer les besoins de manière plus précise en partant du principe que des offres de formation continue pourraient ainsi être planifiées et organisées «sur mesure» et de manière spécifique au groupe cible (Büchter 1999, p. 12). La section ci-après explique les défis liés à la définition des besoins et comment il est possible de les relever dans la pratique opérationnelle.

La définition des besoins comme exemple de la dissonance cognitive

Les attentes liées à la définition des besoins sont vastes: elles englobent sa fonction dans le cadre d’une planification opérationnelle pertinente (Faulstich 1998, p. 105; Röbel 2017, p. 27), la résolution des défis opérationnels actuels et futurs (Hormel et Geldermann 2010, p. 21 ss), et incluent aussi une fonction d’attribution (on entend par là une répartition optimale des ressources) quand il s’agit d’éviter des investissements inappropriés et des lacunes de qualification (Büchter 1999, p. 12). Toutefois, si le besoin n’est pas considéré comme un élément faisant partie d’un chemin linéaire (au sens que la saisie des besoins conduit à un programme, qui conduit à une formation continue, qui conduit à un résultat), il remplit aussi une fonction de légitimation dans une perspective néo-institutionnelle: dans cet esprit, le besoin confère leur légitimité aux décisions de l’entreprise en matière de formation continue. Par contraste, la définition des besoins fait régulièrement partie intégrante de la planification de la formation continue chez à peine un quart des entreprises allemandes interrogées. Dans les petites entreprises, auxquelles cet article est principalement consacré, la définition des besoins de formation est très rarement effectuée de manière continue (Ministère fédéral de la statistique 2017, p. 56). En revanche, tout juste 60% des petites entreprises suisses interrogées déclarent qu’elles déterminent de manière régulière les futurs besoins en matière de formation. Parmi les entreprises suisses inactives en matière de formation continue, rares sont celles qui invoquent les difficultés à évaluer les besoins en formation continue comme cause les empêchant d’être actives dans ce domaine (Office fédéral de la statistique 2018, p. 21 ss.).1 Deux raisons peuvent être avancées pour expliquer ce déséquilibre entre, d’une part, les attentes générales liées à la définition des besoins et, d’autre part, la réticence à définir de manière systématique ces mêmes besoins: soit la définition des besoins comporte des difficultés particulières et est donc rarement appliquée, soit l’importance de la définition des besoins est exagérée dans la littérature spécialisée; les décideurs et décideuses en matière de formation continue en entreprise doutent donc de ses effets positifs. Ces deux thèses ne s’excluent pas mutuellement. La première thèse est abordée dans la section ci-après à l’aide d’une discussion conceptuelle sur les besoins de formation continue en entreprise et les défis qui en résultent. L’étude de la deuxième thèse s’appuie sur des données provenant d’entretiens ayant fourni des données qualitatives.

L’imprécision et la complexité: les défis liés à la définition des besoins en entreprise

Faulstich (1998, p. 105) qualifiait le besoin de formation continue en entreprise de «spectre» de la planification de la formation continue en entreprise. D’une part, la définition de ce besoin est jugée indispensable à une planification pertinente. Dans le même temps, le besoin n’est pas facile à identifier et les modèles de soustraction de type valeur de consigne moins valeur réelle = besoins ne peuvent pas dissimuler l’absence de critères mesurables (ibid., p. 114). Prendre en compte le besoin seulement quand il faut réagir face à l’émergence de nouveaux produits, d’une nouvelle technique ou de nouvelles exigences aboutit en outre à une «stratégie d’adaptation peu innovante» (Faulstich 1998, p. 106) et place la priorité sur l’entreprise et la technique au détriment du personnel (ibid.). Les problèmes qu’il convient de résoudre au moyen des formations continues auraient largement le temps de se manifester au cours des processus de saisie des besoins et de création de l’offre (Büchter 1999, p. 12) et la formation continue en entreprise n’aurait pour mission que de suivre de très loin les exigences posées à l’entreprise. De plus, on ne peut pas s’attendre à ce que les besoins des entreprises soient communiqués de manière ouverte. Harney le constate: «La normalité sociale générale de la formation continue qui s’appuie sur la valorisation accordée à la modeste volonté d’apprendre et sur la volonté de s’améliorer ne doit pas s’appliquer au cas concret» (Harney 1998, p. 154). «En entretenant l’image qu’elles renvoient vers l’extérieur» (Kühl 2011, p. 138), les entreprises réagissent aux attentes qui s’adressent à elles en présentant à leur environnement organisationnel une image ciblée d’elles-mêmes. Communiquer ouvertement les besoins de formation continue et les lacunes ne fait pas nécessairement partie de cette stratégie. Au lieu de cela, l’approche consistant à s’orienter sur l’offre et à mettre la priorité sur les offres demandées s’est rapidement révélée une conclusion erronée si seule la demande d’une offre est interprétée à tort comme la couverture d’un besoin (Faulstich 1998, p. 106). De même, la distinction entre les besoins implicites de l’entreprise et les besoins explicites de l’individu (Arnold 1995, p. 148 ss; Hormel et Geldermann 2010, p. 17; Pawlowsky et Bäumer 1996, p. 103) a davantage une valeur analytique que pratique. En effet, les besoins des entreprises sont influencés par les intérêts de différents acteurs et actrices (Gieseke 2019, p. 30). La perspective des besoins prétendument objectifs des entreprises par rapport aux besoins subjectifs des collaborateurs·trices reproduit des idéaux de rationalité réfutés depuis longtemps en ce qui concerne les décisions des entreprises et, dans le même temps, elle attribue injustement aux employé·e·s le rôle de faire passer les exigences de l’entreprise après leurs propres préférences. 

En conséquence, les méthodes appropriées sont celles qui prennent en compte la négociation par la communication des besoins de formation continue par les personnes impliquées. Ces mêmes méthodes doivent le plus possible être participatives et offrir de multiples perspectives (Büchter 1999, p. 13; Gieseke 2019, p. 29; Pawlowsky et Bäumer 1996, p. 107; Röbel 2017, p. 36). D’autre part, les méthodes de définition des besoins ne doivent pas «attendre» les besoins et se focaliser sur les lacunes, mais elles doivent plutôt se pencher sur le développement des besoins, des personnes et des groupes de parties prenantes impliqués (Faulstich 1998, p. 109). Cette perspective offre deux avantages essentiels: d’une part, le développement des programmes de formation ne repose plus uniquement sur des exigences qui existent déjà et qui peuvent être traitées seulement avec un décalage temporel important. D’autre part, cette perspective a le mérite de s’écarter de la représentation naïve selon laquelle les besoins sont «prêts» et n’attendent qu’à être identifiés et traités. Une bonne compréhension de la manière dont les besoins de formation continue en entreprise évoluent au niveau des collaborateurs·trices, des directions d’entreprise, des intermédiaires (fédérations, syndicats, etc.), mais aussi au niveau du personnel de formation continue, du législateur et du public (Faulstich 1998, p. 106; Gieseke 2019, p. 29) et de la manière dont les problématiques peuvent être interprétées comme un besoin de formation semble être une condition pertinente pour permettre une planification proactive et sensée des programmes. Une réglementation correspondante sur la définition des besoins est disponible dans un format condensé chez Büchter (1999) et, de manière un peu plus détaillée et ciblée sur l’évolution des besoins, chez Faulstich (1998). 

Comme on a pu le voir, la genèse et la définition des besoins de formation continue en entreprise exigent nettement plus de conditions qu’il n’y paraît au premier abord. Cela est étayé par la première des thèses ci-dessus, selon laquelle l’application relativement peu répandue de la définition systématique des besoins s’explique par la complexité particulière du sujet. La section suivante, qui s’appuie sur une étude qualitative composée d’entretiens, doit présenter le rôle joué par le besoin dans les décisions des entreprises en matière de formation continue. 

Perceptions internes empiriques sur la gestion des besoins de formation continue dans les petites et très petites entreprises

Au total, 17 entretiens qualitatifs réalisés auprès de petites et très petites entreprises allemandes représentant 16 secteurs économiques différents ont été effectués dans le cadre d’un travail de recherche visant à mettre au point une typologie des décisions en matière de formation continue (parution prévue courant 2022). Une analyse secondaire a été effectuée sur la base de l’analyse globale du contenu (Mayring 2010, p. 67 ss). Cette analyse tentait de déterminer comment les dirigeant·e·s interrogés interprétaient, identifiaient et traitaient les besoins en matière de formation continue. Dans cette analyse, l’accent a plus particulièrement été mis sur ce que les personnes interrogées considèrent comme important. En d’autres termes, aucune catégorie n’a été créée, mais des passages de texte pertinents ont été classés en différents groupes. L’échantillon est à la fois hétérogène au niveau du secteur d’activité (salon de coiffure, auto-école, cinéma, assurance, restaurant, éditeur de musique, coopérative agricole, centre de médecine du travail, imprimerie spéciale pour cartes à puce, entreprise d’exploitation de carrières, etc.) et au niveau des qualifications formelles des personnes sondées, leur âge, le siège de l’entreprise (grande ville, ville moyenne ou petite ville, commune rurale). Cet échantillon présente une répartition équilibrée des genres masculin et féminin. Les entretiens ne visaient expressément pas à représenter chaque branche. L’objectif était au contraire d’obtenir une vision diversifiée de la formation continue en entreprise au moyen d’une hétérogénéité la plus élevée possible. Les données représentant plus de 16 heures d’interviews et leur transcription comprenant plus de 400 pages ont ensuite été délimitées au moyen d’une recherche lexicale.2 L’analyse a été cantonnée aux paragraphes correspondants. Ensuite, des passages transcrits, porteurs de contenu, ont été paraphrasés, extraits et classés par groupes en fonction de la similarité de leur contenu.

On ne peut pas attendre des petites et très petites entreprises qu’elles effectuent des analyses stratégiques complètes des besoins. De telles analyses n’ont aucune importance pour les entreprises interrogées. Toutefois, une importance certaine est accordée aux besoins de formation continue et six attitudes distinctes vis-à-vis des besoins de formation continue en entreprise et de leur définition ont été identifiées:

  • On ne peut pas attendre des petites et très petites entreprises qu’elles effectuent des analyses stratégiques complètes des besoins. De telles analyses n’ont aucune importance pour les entreprises interrogées. Toutefois, une importance certaine est accordée aux besoins de formation continue et six attitudes distinctes vis-à-vis des besoins de formation continue en entreprise et de leur définition ont été identifiées:
  • Perspective inclusive et basée sur la communication
  • Perspective inclusive et basée sur la communication
  • Orientation sur les lacunes
  • Orientation sur les client·e·s
  • Orientation sur l’offre comme alternative

Perspective réflexive et prospective

Les dirigeant·e·s interrogés expliquent que les besoins de formation ne sont pas une réponse à des problématiques ou à des lacunes portées à leur connaissance. En définissant les besoins de formation, ils tentent d’anticiper les évolutions et tendances futures. Dans le même temps, ils se demandent dans quelle mesure l’entreprise, dans un passé récent, a été capable de réagir de manière appropriée aux évolutions: 

«[…] Dans les aptitudes que j’ai acquises, je réfléchis beaucoup à mon travail et au développement de ma stratégie. Cela veut dire que j’ai un examen écrit deux fois par an […]. Je passe alors tout mon temps au bureau et je fais le ménage dans ma tête et ailleurs […]. Et je me penche beaucoup sur les enseignements tirés et sur la question suivante: comment les choses doivent-elles évoluer?» (IP 10 – éditeur musical). 

Les prévisions ne se limitent pas à l’anticipation de certaines tendances et à leur développement; les marchés internationaux, auxquels la branche attribue un rôle pionnier, sont observés de manière ciblée. IP 10 explique par exemple que l’analyse du marché de la musique en Corée du Sud, en Chine ou en Inde, de leur système de valorisation et de facturation permet de prédire l’évolution qui interviendra ici sur le plan national et peut permettre d’anticiper l’avenir. De toutes les perspectives identifiées à propos des besoins de formation continue, la perspective réflexive et prospective est la plus complète et la plus complexe. Les besoins ainsi déterminés sont incertains et reposent sur des spéculations. Cependant, les estimations proviennent d’experts reconnus dans la branche, elles peuvent être justifiées et s’appuient sur des critères mesurables.

Perspective inclusive et basée sur la communication

Ici, l’accent est mis sur l’implication maximale des collaborateurs·trices, des mandant·e·s, des mandataires, des concurrent·e·s (dans le cadre d’associations ou de tables rondes réunissant des entreprises) ou des prestataires de formation continue. Les personnes interrogées recherchent le contact direct, formulent des besoins en fonction des possibilités au moyen d’une approche collaborative et les valident dans le cadre de discussions informelles. 

Perspective réactive

Dans cette approche, les besoins de formation continue sont formulés en réaction à des défis qui se posent à l’entreprise. Les problématiques citées sont variées et peuvent concerner le personnel (besoins faisant suite à des suppressions de personnel ou à des embauches). Elles peuvent aussi être liées à des mesures de restructuration, à la sécurité informatique et à des attaques de pirates informatiques, à la législation ou à des changements spécifiques à la branche, etc. En l’absence d’exigences et de défis concrets, aucun besoin de formation continue ne peut être formulé dans le cadre de cette approche. Les problématiques peuvent alors s’accentuer et cela peut rendre plus compliqué le développement stratégique (du personnel). 

Orientation sur les lacunes

Comme dans la perspective précédente, l’orientation sur les lacunes implique également une approche réactive. Cette perspective limite la définition des besoins de formation aux lacunes identifiées chez les collaborateurs. Parmi ces lacunes, on peut citer les défauts de qualité attribués aux compétences du personnel, l’insatisfaction perçue ou l’ignorance supposée vis-à-vis des thèmes les plus divers en lien avec les activités. Une définition des besoins fondée sur les lacunes limite de manière particulière la vision des besoins de formation continue, en ce sens qu’elle laisse de côté dans une large mesure les interprétations alternatives et empêche un développement proactif du personnel. 

Orientation sur les client·e·s

Une définition des besoins de formation continue qui repose spécialement sur les mandant·e·s et les client·e·s est également possible. Il ne s’agit pas d’attendre des demandes ou des mandats concrets et de réagir par des mesures de formation continue correspondantes, mais d’observer régulièrement les domaines d’activité des client·e·s et mandant·e·s et d’en déduire d’éventuels besoins de formation: «Nous gérons par exemple des cliniques, et si l’on y pratique des radiographies, nous savons qu’il existe aussi dans ces cliniques un besoin en matière d’analyse de la radioprotection» (IP 03 – médecine du travail). Une perspective plus générale basée sur les client·e·s tente généralement de proposer les prestations les plus actuelles possible et anticipe les attentes des client·e·s. D’éventuels besoins de formation continue peuvent être déterminés à partir de ces attentes. Dans l’échantillon analysé, l’orientation client la plus forte se trouvait chez les entreprises de services. 

Orientation sur l’offre comme alternative

L’orientation sur l’offre est évaluée de différentes manières: s’il s’agit de planifier la formation continue en entreprise et, si l’on souhaite que les offres soient spécialement adaptées à des groupes cibles et qu’elles couvrent des besoins concrets, l’orientation sur les besoins est privilégiée par rapport à l’orientation sur l’offre (Faulstich 1998, p. 106). Cette dernière est cependant interprétée comme une méthode proactive de planification de la formation continue. Elle ne se contente pas d’attendre l’apparition des besoins (p. ex. des lacunes de qualification) et d’agir de manière réactive (Gieseke 2008, p. 90). Ainsi, contrairement à l’orientation sur les client·e·s ou sur les lacunes, l’orientation sur l’offre n’est pas une perspective spécifique axée sur la définition des besoins. Toutefois, dans l’échantillon examiné, elle joue un rôle intéressant dans la planification de la formation continue en entreprise, car elle représente une alternative à l’orientation sur les besoins et ne doit donc pas être ignorée. 

Chez les entreprises interrogées, l’orientation sur l’offre a lieu exclusivement dans les situations où des obligations en matière de formation continue doivent être mises en application. Il s’agit par exemple des mesures obligatoires de perfectionnement auxquelles sont soumis les dentistes ainsi que des formations obligatoires concernant les premiers secours ou la protection des données. La réputation, parfois mauvaise, de la formation continue orientée sur l’offre ne transparaît pas dans les déclarations des personnes interrogées. Ces dernières insistent plutôt sur l’expertise des associations professionnelles ou des fédérations ainsi que sur la qualité et la diversité des offres de formation continue. Tout cela ne permet pas de réfuter le reproche formulé ci-dessus, selon lequel les offres qui font l’objet d’une demande peuvent être trop rapidement considérées à tort comme des offres qui couvrent les besoins. Cependant, l’orientation sur l’offre comporte des avantages indéniables (proactivité et économies de ressources, p. ex.). De plus, les prestataires devraient légitimement avoir la possibilité, dans le cadre d’un développement professionnel des programmes, de s’appuyer sur des données valides, sur l’expertise de la branche et sur une expérience suffisante. Enfin, pour les directions des entreprises, l’orientation sur les offres peut ouvrir des perspectives qui n’auraient pas été décelées si l’accent avait été mis uniquement sur l’environnement direct de l’entreprise. 

Définition des besoins: entre complexité et pragmatisme

La complexité des besoins et de leur définition dans le cadre de la formation continue en entreprise fait davantage l’objet de réflexions scientifiques que de considérations liées à l’entreprise. Dans le contexte des petites et très petites entreprises interrogées, les besoins sont traités de manière très hétérogène, mais avec une attention nettement moindre par rapport à ce que l’on pourrait attendre au regard de la littérature spécialisée et des interprétations qui en résultent. Même si leur cœur de métier n’est pas l’organisation de la formation continue, les entreprises se montrent disposées et attachées à proposer une formation continue en entreprise. Des structures de soutien pratiques, qui aident les entreprises dans la planification stratégique de la formation continue et qui, surtout, portent un regard attentif sur les besoins des collaborateurs·trices, prennent au sérieux les ressources limitées des petites et très petites entreprises. Ces structures doivent mettre à disposition des méthodes et des outils à la fois pragmatiques, adaptés et réalisables (p. ex. Büchter 1999). Les stratégies identifiées pour la définition des besoins en entreprise montrent que les entreprises ont développé des méthodes (implicites) qu’elles peuvent justifier. Il existe toutefois un potentiel de développement. La perspective réactive décrite ci-dessus et l’orientation sur les lacunes doivent être, pour les entreprises, l’occasion de réfléchir à des méthodes davantage proactives et axées sur la communication. 

  1. La prudence est de mise lors de l’utilisation des données comparatives entre les pays: les données du Ministère fédéral allemand de la statistique reposent sur les données nationales de l’enquête sur la formation professionnelle continue en entreprise CVTS (Continuing Vocational Training Survey), tandis que les données de l’Office fédéral de la statistique s’appuient sur l’enquête nationale auprès des entreprises sur la formation professionnelle continue (SBW).
  2. Le logiciel d’analyse MAXQDA a été utilisé. Différents termes de recherche ont été utilisés pour la recherche lexicale: besoin*, événement, événements, ident*, etc.

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Christian Müller, collaborateur scientifique à la chaire d’éducation des adultes, domaines de spécialité: formation continue professionnelle et recherche comparative en éducation à l’Université technique de Dresde. Contact: christian.mueller13@tu-dresden.de